On revient aujourd’hui avec un compte rendu de la formation de niveau 2 proposée gratuitement par le collectif #NousToutes sur les violences sexistes et sexuelles. Une nouvelle fois, nous tenons à te rappeler que la violence n’est pas un sujet comme un autre, ce qui suit est susceptible de faire remonter des souvenirs si tu as été victime d’actes violents par le passé. N’oublie pas que si tu es victime de violence, tu n’es pas seul.e, des numéros d’urgence sont là pour t’aider : le 3919 dédié aux femmes victimes de violence, le 119 pour les mineurs en danger (tu trouveras ici des liens de numéros à contacter : http://bit.ly/violencesconfinement).
Si tu souhaites participer à la toute dernière formation de niveau 1 le 30 mai de 16h à 18h30, il te suffit de t’inscrire sur ce lien : https://formdivers.typeform.com/to/NGXVha. Grâce au nouveau format de formation, le collectif peut former 10000 personnes en même temps. L’objectif est d’atteindre les 20 000 personnes formées.
Rappels du Niveau 1
La formation a commencé par quelques rappels rapides sur la formation de Niveau 1 et quelques mises en pratique afin d’appliquer les concepts vus précédemment.
Les différents types de violences et leur caractérisation

Pour chaque affirmation ci-dessous, détermine si elle est vraie ou fausse. Les réponses se trouvent à la fin de l’article.
- Des massages répétés par un collègue dans le cou sont une agression sexuelle.
- Le viol est forcément un acte de pénétration sexuelle.
- On peut porter plainte pour agissement sexiste.
- L’injure en repas de famille est interdite en France.
- En France, il existe dans la loi un seuil d’âge en dessous duquel tout acte sexuel sur un enfant est considéré comme un viol.
- En France, un viol est systématiquement jugé en cour d’assises.
- Le harcèlement sexuel peut être reconnu dès le premier acte.
- Un policier peut refuser de prendre une plainte s’il considère qu’elle n’est pas fondée.
Mécanismes des violences

Ici, la première phrase participe de la phase d’isolement de la victime, la deuxième de la phase d’inversion de la culpabilité. Enfin, la dernière correspond à la dévalorisation.
I. Procédures et sanctions
A. Les 3 types de procédures
- Procédure disciplinaire

Définition : Une procédure disciplinaire est une mesure prise par l’employeur à la suite d’agissements du salarié qu’il considère comme fautifs. Avant d’appliquer la sanction, l’employeur est tenu de respecter une procédure destinée à informer le salarié concerné et à lui permettre d’assurer sa défense. Si la sanction envisagée est le licenciement, la procédure de licenciement pour motif personnel doit être respectée.
- Procédure pénale

Définition : La procédure pénale est l’ensemble des règles juridiques qui régissent le déclenchement du procès pénal, la constatation des infractions, la recherche de leur preuve et le jugement de l’infraction et de son auteur.
Le déclenchement d’une procédure pénale ne passe pas forcément par le dépôt d’une plainte par la victime. L’article 40 du code de procédure pénale prévoit que tout agent de la fonction publique doit interpeller le procureur s’il a connaissance d’un crime ou d’un délit.
Article 40 du code de procédure pénale :
« Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs. »
- Procédure civile (travail)
Définition : La procédure civile intervient dans un cadre professionnel. Elle est déclenchée par un recours auprès du tribunal administratif ou des Prud’hommes. C’est le juge qui tranche le litige entre deux personnes ou structures. Enfin, c’est la victime elle-même qui mène la procédure.
A la différence des procédures disciplinaire et pénale qui ont pour mission de punir l’auteur des violences, la procédure civile a pour mission de sanctionner l’employeur qui n’aurait pas protégé un de ses employés victimes de harcèlement par exemple.
Il est important de noter que ces trois procédures sont indépendantes. Il est tout à fait possible de poursuivre deux procédures pour la même affaire. Par exemple, un employé victime de harcèlement au travail et qui n’est pas protégé par son employeur peut tout à fait déclencher une procédure disciplinaire et civile simultanément.
B. Les sanctions disciplinaires
Personnellement, j’ai trouvé cette partie très intéressante. En effet, nous allons bientôt plonger dans le monde du travail et il peut toujours s’avérer utile de connaitre quelques bases juridiques dans ce domaine.
Les sanctions disciplinaires interviennent dans un cadre professionnel. Lorsqu’il est informé de faits pouvant s’apparenter à du harcèlement, une agression ou un viol, l’employeur a le devoir de mener une enquête disciplinaire. En outre, l’employeur a trois obligations en matière de violences sexistes et sexuelles : prévenir, faire cesser, sanctionner. En 2011, la Cour de cassation a condamné un employeur informé de faits de harcèlement sexuel qui n’avait pas déclenché d’enquête disciplinaire.
Quels types d’actes de violences sexistes ou sexuelles peuvent faire l’objet de sanctions disciplinaires ?
Toutes les violences commises dans le cadre du travail peuvent faire l’objet d’une sanction disciplinaire.
Quelles sont les sanctions possibles ?
- avertissement ou blâme
- mise à pied
- mutation
- rétrogradation
- licenciement pour faute simple, grave ou lourde
Si l’employeur est la personne violente, il est possible pour la victime de se tourner vers les syndicats, l’inspection ou la médecine du travail ou encore l’inspection générale.
Est-ce que cela concerne des faits ayant lieu dans des soirées entre collègues ?
Oui, si les personnes sont là en raison du fait qu’elles sont salarié.e.s de la structure.
C. Les sanctions pénales
Contrairement à la procédure disciplinaire qui intervient dans le cadre professionnel, la procédure pénale peut concerner des actes commis dans tous les espaces (travail, famille, associations, extérieur). La procédure pénale débute par une plainte (ou par le recours à l’article 40) et les sanctions qui en découlent varient selon le type d’infraction commise.
Il existe trois types d’infractions qui sont jugées dans des institutions différentes. Dans l’ordre croissant en terme de gravité, on retrouve la contravention qui est jugée dans un tribunal de police, le délit dans un tribunal correctionnel et enfin le crime en cour d’assises.
La peine fixée par la loi selon l’infraction commise est une peine maximale. Elle peut être allégée s’il y a des circonstances atténuantes, ou au contraire elle peut être plus lourde s’il y a des circonstances aggravantes. Enfin, la peine peut être ferme ou réalisée avec sursis.
Ex de circonstances aggravantes : victime mineure, violence en réunion, menace d’une arme, handicap de la victime, femme enceinte, alcool
Pour déterminer s’il y a circonstances aggravantes, il faut s’intéresser à trois éléments : victime, auteur des faits, contexte des faits.
Focus sur la prescription
Définition : le délai de prescription est le temps au-delà duquel l’auteur d’une infraction ne peut plus être poursuivi.
Une fois le délai de prescription dépassé, il est toujours utile de porter plainte. Cela peut servir s’il y a des victimes plus récentes.
Cas général
- Contravention : 1 an
- Délit : 6 ans
- Crime : 20 ans ; 30 ans pour certains crimes graves (terrorisme, traite des êtres humains)
Le cas particulier du harcèlement
Le harcèlement est considéré comme une infraction d’habitude, c’est-à-dire commise de façon répétée sur une période plus ou moins longue. Le délai de 6 ans commence à partir de l’acte le plus récent de harcèlement. La justice prendra en compte l’ensemble des actes commis précédemment même s’ils datent de plus de 6 ans.
- Contravention
Ex : outrage sexiste (propos ou comportement à connotation sexiste ou sexuelle qui porte atteinte à la dignité de la personne), injure non publique à caractère sexiste, achat d’acte sexuel

- Délit
Ex : agression sexuelle, harcèlement sexuel, injure publique sexiste, exhibition sexuelle, proxénétisme, atteinte sexuelle sur mineur.e, violences habituelles, harcèlement moral, revenge porn, coups

- Atteinte sexuelle > l’acte n’a pas été fait avec contrainte, surprise, violence, menace
- Agression sexuelle > il y a eu contrainte, menace, surprise ou violence
- Crime
Ex : viol, meurtre, féminicide, inceste, tentative de viol

- Le cheminement d’une plainte
- Le dépôt de plainte
Comme on l’a vu plus haut, une procédure pénale démarre le plus souvent avec le dépôt d’une plainte. Au moment du dépôt de plainte, que ce soit dans un commissariat ou une gendarmerie, la personne qui prend en charge la victime se doit d’accepter le dépôt de plainte (Article 15_3 du code de procédure pénale).
Ensuite, en cas d’agression sexuelle ou de viol, la victime est orientée en unité médico judicaire (UMJ). Dans cette unité sont réalisés des tests médicaux (physiques et psychiques) à la demande de la police ou de la justice.
UMJ : Une unité médico–judiciaire (aussi appelée UMJ) est un lieu où le médical collabore avec l’autorité judiciaire, c’est-à-dire réalise des actes médicaux à la demande de la police ou de la justice.
- L’enquête de police
C’est la première étape après le dépôt de plainte. L’enquête de police est l’ensemble des investigations réalisées par la police judiciaire afin de rassembler les preuves d’une infraction, avant le déclenchement des poursuites.
A l’issue de cette enquête, le procureur a trois options :
- Classement sans suite : il n’y a pas assez d’éléments pour incriminer le suspect.
- Le procureur décide de poursuivre une enquête plus lourde et renvoie l’affaire au juge d’instruction
- L’affaire est jugée dans un tribunal correctionnel. On parle ici d’un cas de plainte pour un crime. L’enquête de police a démontré qu’il était très compliqué de prouver le crime commis car on ne dispose pas d’éléments suffisants, donc le procureur préfère traiter l’affaire comme un cas d’agression sexuelle afin de juger l’affaire au plus vite. On parle alors de correctionnalisation des faits de viol.
- Le juge d’instruction
Suite à une nouvelle enquête plus lourde menée par le juge d’instruction, celui-ci peut décider :
- Un non-lieu : Il est prononcé lorsque les éléments rassemblés par l’enquête ne justifient pas la poursuite d’une action pénale.
- De juger l’affaire en cour d’assises
- De correctionnaliser les faits et de juger l’affaire en tribunal correctionnel
II. Le trouble de stress post traumatique
Tout trouble de stress post traumatique a un point de départ : un événement traumatique.
Ex : viol, attentat, tsunami
« Un événement est traumatique lorsqu’une personne s’est trouvée confronté à la mort, à la peur de mourir ou à de graves blessures, ou lorsque son intégrité physique ou celle d’une autre personne a été menacée. »
American Psychiatric Association, 2013
L’événement traumatique a des conséquences immédiates (pendant et juste après l’événement) mais aussi des conséquences différées.

- Conséquences immédiates :
Sidération : Anéantissement soudain des fonctions vitales, avec état de mort apparente, sous l’effet d’un violent choc émotionnel.
Dissociation : En psychologie, la dissociation est une séparation fonctionnelle entre des éléments psychique ou mentaux qui sont habituellement réunis. Ainsi, la prise en compte de la réalité et du vécu est inhibée (pensée, jugement, sentiment), de façon temporaire ou durable, pour supporter un traumatisme psychique.
- Juste après l’événement :
- Agitation
- Angoisse
- Flashbacks
- Conséquences différées :
- Insomnies
- Cauchemars
- Isolement
- Peur
- Dépression
- Comportements d’évitements
Si l’état de stress dure plus d’un mois, on parle de trouble de stress post traumatique.
Ce qui est important de savoir sur l’état de Stress Post Traumatique :
- Ce sont des blessures invisibles
- C’est un état qui peut être soigné
- Ce n’est pas un signe de faiblesse
- C’est un mécanisme hormonal qui déclenche des réactions corporelles et psychiques
On distinguera deux types de trauma :
- Trauma de type 1: suite à un fait unique : tsunami, attentat viol
- Trauma de type 2: suite à des faits répétés : violence au sein du couple, violences répétées
Pourquoi est-il utile de connaître le trouble de stress post-traumatique ?
- Le détecter
- Accompagner les victimes de manière adaptée
- Le traiter
Comment le reconnaître ?
- Symptômes d’intrusion
- Symptômes d’évitement
- Symptômes d’hyper réveil
Comment traiter l’état de Stress Post-Traumatique (ESPT) ?
- Par la prévention
- Par un traitement psychothérapique
III. Prendre en charge et accompagner une victime
Comment se sent la victime ?
- Honte
- Manque de confiance
- Incomprise
Quelle posture adopter ?
- Empathie
- Non jugement
- Congruence (mettre en concordance ce qu’on dit avec sa façon d’être physique)
Attention: il ne faut jamais faire à la place de la personne victime (isolement, dévalorisation, sentiment d’impuissance, d’être incapable). Il existe deux exceptions à cette règle : s’il y a un mineur.e en danger ou s’il y a danger de mort
3 outils utiles pour adopter une bonne posture d’accompagnant
- DAD : Droit à la Déconnexion. Il faut reconnaître que parfois on peut dire : je ne suis pas capable de prendre soin de toi, donc je vais t’orienter vers d’autres personnes.
- PSS : Prendre Soin de Soi. Tâche prioritaire pour aider quelqu’un: aller bien soi même
- RPI : Regard Positif Inconditionnel. Ne penser que du positif de la personne
Vers qui orienter ?
Les questions à se poser :
- Urgence/Pas urgence
- Téléphone ou Sms ?
- National (conseils) ou local (accompagnement/hébergement)
Réponses VRAI/FAUX
- Des massages répétés par un collègue dans le cou sont une agression sexuelle. FAUX
L’agression sexuelle est un contact avec une partie considérée comme sexuelle (bouche, seins, sexe, fesses, entre les cuisses). La jurisprudence pourrait permettre de qualifier ce comportement de harcèlement sexuel.
- Le viol est forcément un acte de pénétration sexuelle. VRAI
Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol (fellation forcée = viol)
- On peut porter plainte pour agissement sexiste. FAUX
L’agissement sexiste n’est pas défini dans le code pénal, on ne peut donc pas porter plainte sur ce motif. Il est défini uniquement dans le code du travail et la loi de 1983 (loi Le Pors) pour les fonctionnaires.
- L’injure en repas de famille est interdite en France. VRAI
L’injure non publique est interdite. Elle est punie d’une amende de 38€. Si c’est une injure sexiste, raciste, homophobe, amende de 1500€.
- En France, il existe dans la loi un seuil d’âge en dessous duquel tout acte sexuel sur un enfant est considéré comme un viol. FAUX
Pour que le viol soit reconnu, il faut prouver la contrainte, la menace, la surprise ou la violence. La jurisprudence considère qu’en dessous de 6 ans, il n’y a pas besoin de le prouver.
- En France, un viol est systématiquement jugé en cour d’assises. FAUX
60 à 80% des viols sont correctionnalisés. On va les juger au tribunal correctionnel (comme des agressions sexuelles). La victime peut refuser la correctionnalisation.
Correctionnalisation : action de transformer un crime en un délit
- Le harcèlement sexuel peut être reconnu dès le premier acte. VRAI
En cas de pression pour obtenir un acte sexuel ou lors de l’envoi d’une photo de son sexe à une collègue par exemple.
- Un policier peut refuser de prendre une plainte s’il considère qu’elle n’est pas fondée. FAUX
Article 15-3 du code de procédure pénale prévoit qu’un policier est tenu de prendre une plainte, même si les faits concernent un autre département.
Sources :
- Formation #NousToutes de niveau 2 sur les violences sexistes et sexuelles
- https://travail-emploi.gouv.fr/droit-du-travail/le-reglement-interieur-et-le-pouvoir-de-direction/article/la-sanction-disciplinaire
- https://cours-de-droit.net/procedure-penale-c27647740/
- https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F31982
- http://www.justice.gouv.fr/justice-penale-11330/lenquete-judiciaire-11332/lenquete-de-police-16335.html
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Dissociation_(psychologie)
Pour aller plus loin
- Pour en savoir plus sur les mécanismes à l’œuvre dans la mémoire traumatique : https://www.memoiretraumatique.org/
- Guide pratique et juridique sur l’harcèlement sexuel et les agissements sexistes au travail : https://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/30645_dicom_-_guide_contre_harce_lement_sexuel_val_v4_bd_ok-2.pdf
- Le cheminement d’une plainte : https://youtu.be/BYlFMCqU5QI
- Article du site Madmoizelle sur la sidération : https://www.madmoizelle.com/sideration-viol-615413
- Vidéo « Sous influence », Arte, sur la sidération : https://www.youtube.com/watch?v=gQc5tmSP_rg
- Vidéo sur l’Etat de Stress Post-Traumatique, Ted :https://www.ted.com/talk/joelle_rabow_maletis_the_psychology_of_post_traumatic_stress_disorder?language=fr