Mais qui sont les Consommacteurs ?


Agriculture, Alimentation, Environnement, Mode de consommation, Social / dimanche, janvier 21st, 2018

Nous sommes en plein mois de janvier, au supermarché, et les aubergines bio-venues-du-bout-du-monde-et-suremballées vous font de l’œil. Pourtant, vous ne les achetez pas : pas de saison, cher, pas français… Autant de valeurs cachées derrière l’acte de l’achat qui font peut-être de vous un-e consomm’acteurtrice.

Commençons par le commencement. Consomm’acteur et son homologue féminin, consomm’actrice, sont deux mots-valises bien étranges. Qu’entend-on par cela ? Le terme, issu de la contraction de consommateur et d’acteur ou actrice, renvoie à une personne sensible à sa consommation. A l’acte d’acheter sont liés des sens : on peut par exemple choisir de privilégier les produits issus de petits producteurs pour limiter son empreinte écologique, éviter de passer par la grande distribution ou par souci de soutenir l’emploi. Cette démarche et son évolution  traduisent une volonté de se réapproprier l’acte de consommer. Révélatrice est, à cet égard, la phrase d’Anna Lappe, autrice et journaliste plaidant pour une alimentation plus responsable : « chaque fois que vous dépensez votre argent, vous votez pour le type de monde que vous voulez. »

« Un type de monde », quel type de monde ?

C’est ici que les limites du terme commencent à se faire sentir. Puisque le terme désigne toute personne soucieuse d’orienter sa consommation selon ses valeurs, et que ces dernières peuvent être multiples, difficile de faire un unique portrait-robot (les locavores, vegans, flexitariens ou encore acheteurs de produits Made in France peuvent-ils être mis dans le même panier ?). De ce fait, je me concentrerai dans ma synthèse sur le profil des consomm’acteurs sensibles au Made in France.

Une première ébauche

Ainsi, selon l’enquête de la Fédération indépendante du Made in France de 2016, le consomm’acteur Made in France type est une consomm’actrice (64% des enquêtés), jeune (entre 25 et 35 ans), appartenant aux classes moyennes et aisées et vivant dans une ville de plus de 100 000 habitants. En ce qui concerne les motifs d’achat, la transparence prime : transparence quant à l’origine des produits (97% des personnes interrogées souhaiterait que l’étiquetage devienne obligatoire), transparence des relations entre fournisseurs et salariés. La qualité des produits n’est plus le seul déterminant des choix ; les pratiques de marque n’étant plus en reste. 

Quelles sont les préoccupations de ces individus ?

Plusieurs enjeux sont cités dans l’étude : les enjeux économiques (soutenir l’emploi dans un secteur en difficulté), les enjeux environnementaux (limiter son empreinte carbone) et sociaux. Les individus étudiés sont ainsi 78% à se sentir plus ou beaucoup plus impliqués dans la société, par leur achat. Ceci n’est pas sans lien avec la satisfaction liée au fait de pouvoir agir au quotidien pour une cause en laquelle ils croient. En règle générale, les individus étudiés sont plutôt favorables aux démarches visant un développement plus durable, achetant moins mais mieux. A titre d’exemple, la part d’achats d’occasion est trois fois supérieure dans l’échantillon étudié par rapport à la moyenne française (24% contre 8%).

Quelle est l’évolution de ce mouvement sur le long terme ?

Si les statistiques indiquent une première réponse, cette dernière peut aisément être nuancée. Ainsi, 38% des personnes interrogées disent avoir été acquises à la cause entre 2011 et 2014 ; et 17% depuis 2014. Il serait facile d’en conclure à un phénomène plutôt récent (plus de la moitié de l’échantillon ayant été convaincue depuis moins de 7 ans). Néanmoins, si l’on prend en compte le fait que les 25-35 ans soient surreprésentés dans l’échantillon, on peut préciser cette information : la population achetant du Made in France est plutôt jeune, et de ce fait elle ne s’est positionnée que récemment. Tant que l’on ne fait pas ses courses, impossible de dire que l’on achète régulièrement du Made in France

Comment l’expliquer ?

L’enquête de la Fédération indépendante du Made in France donne quelques pistes, que je me suis permise de compléter. La principale piste évoquée est le lien entre la sensibilisation croissante au Made in France d’une part, et son exposition médiatique, notamment sous le quinquennat de François Hollande (2012 – 2017) d’autre part. Les fermetures successives de sites industriels emblématiques (PSA à Aulnay-sous-bois par exemple), la mise en place d’un label (le label Origine France Garantie), Arnaud Montebourg posant avec une marinière Armor Lux et un mixeur Moulinex en une du Parisien Magazine ont ainsi été autant d’occasions de réfléchir sur cette problématique.

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Couverture du Parisien Magazine du 12 octobre 2012 – Source photo : PureMedias

On peut également se demander si les différentes crises sanitaires, politiques et écologiques (scandale de la viande de cheval dans les plats préparés, crise de la filière laitière, algues vertes, lait en poudre contaminé à la salmonelle et j’en passe) n’auraient pas également incité une partie des consommateurs à se tourner vers les produits leur semblant offrir la meilleure traçabilité possible ou assurant aux producteurs une meilleure rémunération de leur travail. La Marque du consommateur, lancée en 2016 sans tambour ni trompette, ne proposait initialement que du lait demi-écrémé. Le prix a été fixé selon les critères votés par les consommateurs (revenu décent et assuré aux producteurs, pas d’OGM, pâturage pendant 6 mois). Face à cette réussite commerciale, trois autres produits sont désormais disponibles : un jus de pomme, du beurre et une pizza surgelée. Comme l’explique son fondateur, Nicolas Chabanne, l’idée selon laquelle le consommateur est prêt à payer davantage pour un produit qui correspond à ses valeurs se vérifie bien.

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Le lait La Marque du consommateur – Source photo : lemmings.unblog.fr

En conclusion

Il y a bel et bien pour ces individus une réappropriation symbolique de l’acte d’achat, ce dernier étant vu comme un moyen d’action concret dans un modèle économique de production et de consommation sujet à des crises. Et s’ils ne représentent pour l’instant qu’une petite partie des consommateurs, des indices laissent à penser à une diffusion croissante de ces pratiques.

Principales sources : enquête de la Fédération indépendante du Made in France (FIMIF), 2016 ; i-boycott.org

 

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